À l’opposé de la main portrait qui représente son sujet par métonymie, la main dématérialisée et fantomatique est un motif de prédilection de la photographie expérimentale. Coupées de la réalité, translucides, les mains d’André Steiner, Roger Catherineau, Maurice Tabard et plus récemment Thierry Balanger présentent un sujet familier dans sa version inconnue et quasi fantasmagorique.
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Jeux de transparence
« Je pris cette main dans la mienne ; l’élevant à mes lèvres, je m’aperçus qu’elle était transparente et qu’au travers on voyait le grand jardin où s’en vont vivre les créatures divines les plus éprouvées. »
André Breton, Poisson soluble (1924), XXVI.
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« De ce palier supérieur du Teide où l’œil ne découvre plus la moindre herbe, où tout pourrait être si glacé et si sombre, je contemple jusqu’au vertige tes mains ouvertes au-dessus du feu de brindilles que nous venons d’allumer et qui fait rage, tes mains enchanteresses, tes mains transparentes qui planent sur le feu de ma vie. [...] Daignent tes artères, parcourues de beau sang noir et vibrant, me guider longtemps vers tout ce que j’ai à connaître, à aimer, vers tout ce qui doit faire aigrette au bout de mes doigts. »
André Breton, L’Amour fou [1937], Œuvres complètes, Paris, Gallimard, p. 763.
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Thierry Balanger
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La main gantée, la main coupée
Dans la photographie surréaliste, la main coupée est le symbole d’une psyché libérée, déstabilisant tout sens logique. Le premier Manifeste du surréalisme affirme d’ailleurs qu’il « gantera votre main, y ensevelissant l’Μ profond par quoi commence le mot Mémoire». Attribut surréaliste et sujet poétique, le gant occulte en même temps qu’il habille. Chez Germaine Krull et Jean Moral, il est à la fois corps et objet.
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« J’ai tant admiré, du premier jour, votre main. Elle voltigeait, le frappant presque d’inanité, autour de tout ce que j’avais tenté d’édifier intellectuellement. Cette main, quelle chose insensée et que je plains ceux qui n’ont pas eu l’occasion d’en étoiler la plus belle page d’un livre ! »
André Breton, L’Amour fou [1937], Œuvres complètes, Paris, Gallimard, p. 763.
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La main automate, le hasard
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« Qui n’a pas vu son crayon poser sur le papier, sans la moindre hésitation et avec une rapidité prodigieuse, ces étonnantes équations poétiques, et n’a pu s’assurer comme moi qu’elles ne pouvaient avoir été préparées de plus longue main, même s’il est capable d’apprécier leur perfection technique et de juger du merveilleux coup d’aile, ne peut se faire une idée de tout ce que cela engageait alors, de la valeur absolue d’oracle que cela prenait. »
André Breton, Nadja [1928], Paris, Gallimard, p. 35-36
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Le double, l'écho
C’est enfin la dualité de la main qui en fait un sujet photographique par excellence. Le portrait d’une main la dédouble, et prolonge l’effet miroir déjà produit par la paire qui se répond. Pierre Boucher recrée cette dualité par un jeu de reflets, et André Steiner entretient une ambiguïté de lecture par l’écho et les jeux d’échelle.
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« Une main de femme, ta main dans sa pâleur d’étoile seulement pour t’aider à descendre, réfracte son rayon dans la mienne. Son moindre contact s’arborise en moi et va décrire en un instant au-dessus de nous ces voûtes légères où aux vapeurs du tremble ou du saule le ciel renversé mêle ses feuilles bleues »
André Breton, Arcane 17, enté d’Ajours [1947], Œuvres complètes, Paris, Gallimard, t. III, p. 46.
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