« L’œil véritable de la terre, c’est l’eau »
Gaston Bachelard
De l’eau lustrale de la purification, substance voluptueuse, germinale et fécondante aux eaux noires de la mort, l’eau est polymorphe et polyvalente. Par sa nature mouvante et changeante, souvent imprévisible, elle apparaît bien comme l’image du temps.
L’eau, source de vie
Au cours de ses pérégrinations et frappé par l’exubérance de l’eau et la vitalité des paysages qu’elle traverse, Bogdan utilise un appareil grand format et un temps de pose très long pour mettre en évidence l’illusion de la perception visuelle ordinaire, car si l’eau n’a pas de forme en elle-même, elle épouse toutes les formes. Dégagées de tout affect, ses photographies produisent des images d’une dimension intemporelle.
L’eau, source de destruction
Septembre 1993. Brig, une petite ville suisse sise au fond de la vallée du Saas, est ensevelie par les torrents de boue déversés par les eaux en furie de la rivière Saltine. Malgré l’interdiction d’y pénétrer, Bogdan toujours armé de sa chambre grand format enregistre la catastrophe dans les rues de cette bourgade.
Eté 1997. En Pologne, le fleuve Oder déborde et ravage toute la région. La crue engloutit la maison familiale construite dans une cuvette à l’abri de la digue. L’eau stagne pendant plusieurs mois, pourrissant tout. Au printemps suivant, la première visite au pays conduit naturellement Bogdan à la maison désormais abandonnée. Parmi les décombres, un album de photos de famille en décomposition. Ces images noyées signeraient-elles le deuil d’une impossible résurrection ? Surtout ne pas se retourner sur la perte. Bogdan prend l’album dans ses bras, le sèche, et l’emmène avec lui à Paris. A l’arrivée de l’hiver, son père qui n’a jamais revu sa maison meurt à plusieurs centaines de kilomètres.
C’est alors que Bogdan entreprend de photographier l’album.
Jacqueline Konopka, décembre 2024
